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POINT DE VUE

Manque de logements : l'heure des solutions modestes

Henry Buzy-Cazaux Président fondateur de l'institut du management des services immobiliers Membre du Conseil National de l'Habitat (CNH) Président de Partage+ ©DR

Rien ne va plus pour la construction de logements neufs. Les statistiques de production sont historiquement mauvaises, et les tendances pour l'avenir proche ne le sont pas moins. Les logements collectifs, apanage des promoteurs, sont concernés comme les maisons individuelles.

C'est un plongeon de 30% des délivrances de permis de construire au cours du dernier trimestre, avec à l'arrivée des chiffres qui donnent le vertige : en 2022, même si les résultats ne sont pas encore complètement stabilisés, ce sont un peu plus de 350000 logements qui auront été mis en chantier, en retrait marqué par rapport à l'année précédente. Un repère pour mettre en perspectives ces contre-performances : la production en 1990 était à peine inférieure. avec 17 millions d'habitants en moins, et des phénomènes sociologiques alors quasi inexistants ou de bien moindre ampleur, tels la séparation des ménages, la recomposition familiale, la décohabitation, ou encore l'immigration.

Les causes sont multiples, de la rareté du foncier disponible et donc de son prix aux réticences des maires à signer les autorisations, parce que l'oukase du ZAN (zéro artificialisation nette à l'échéance 2050, et la division par deux des consommations de terrains en 2030) les paralyse et surtout parce que la suppression de la taxe habitation les prive des moyens d'apporter les services nécessaires à de nouveaux habitants. En tout cas, personne ne voit quel levier actionner pour relancer puissamment la machine. On peut même douter que le gouvernement le veuille vraiment : il est désormais davantage question de mobiliser le parc existant que l'abonder. Quoi qu'il en soit, l'époque est à la modestie : alors que la politique du logement depuis des décennies recherchait de grandes actions, elle fait aujourd'hui émerger des solutions interstitielles. L'hybris a encore inspiré la première initiative législative du Président Macron à son arrivée à l'Élysée : le projet de loi ELAN, votée à la fin de 2018, promettait rien moins qu'un choc d'offre ! Il n'a pas eu lieu. Depuis, on se contente d'une sorte de politique impressionniste, et tout porte à croire que ce sera la stratégie dans les années qui viennent, tant les contraintes de toutes natures limitent les marges de manoeuvre.

Quelles sont ces voies étroites ? La plupart ont longtemps fait sourire. Il en va ainsi de la transformation de bureaux en logements. Il est vrai qu'il fallait aux bureaux perdre de leur attrait, à cause du télétravail en particulier et aux besoins en surfaces tertiaires se replier pour que le risque de voir se multiplier les friches provoque une réflexion sur le changement de destination. La dimension morale même s'impose : comment tolérer des immeubles vacants au coeur de nos villes quand des individus et des ménages sont dans la rue ? La rationalité économique pèse, mais elle est balayée par les considérations humaines. La surélévation des immeubles existants est également une voie, qui peine à se muer en solution à part entière. Les freins ? Plusieurs embarrassent son développement : le rejet de la densité, la relative complexité, le besoin en copropriété d'un large consensus, difficilement trouvable, même si le législateur de 2014 a abaissé la majorité de vote et supprimé le veto des copropriétaires du dernier étage. Les bailleurs sociaux, maîtres à bord de leurs immeubles, qui sont pour les constructions des Trente glorieuses d'une architecture élémentaire, avec des toits terrasses, devraient montrer l'exemple et créer le mouvement.
C'est une raison pour laquelle on se doit également de mobiliser le foncier déjà artificialisé, mais laissé en jachère, les friches industrielles par exemple, pour lesquelles un fonds public dédié permet des aides aux opérateurs, mais aussi les parkings d'hypermarchés ou de supermarchés, surfaces imperméabilisées et le plus souvent d'une dimension excessive par rapport à la fonction qui leur était réservée. L'urbanisme temporaire n'est pas à dédaigner non plus : un terrain appelé à être construit peu accueillir des habitations provisoires, pour des populations en difficulté, ou des jeunes. On avait raillé les conteneurs aménagés sur le port du Havre, et on a eu tort.

La priorité de la France est de loger les Français, tous, à des prix accessibles. C'est au point qu'on doit accepter des solutions éloignées de l'idéal s'il le faut, modestes, et leur addition fera une réponse à part entière, à défaut de faire une grande politique du logement. Une sorte de realpolitik du logement.

Photo | Henry Buzy-Cazaux Président fondateur de l'institut du management des services immobiliers Membre du Conseil National de l'Habitat (CNH) Président de Partage+ ©DR

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