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FÉDÉRATION / SYNDICAT

FNAIM : Climat et résilience, le syndrome du Titanic

Jean-Marc Torrollion

Alors que l'échéance du 1er janvier 2023 se rapproche et que l'interdiction de louer les passoires thermiques deviendra bientôt une réalité, la FNAIM tire la sonnette d'alarme face au risque d'attrition du parc locatif privé. Bientôt en effet, de nombreux logements pourraient en sortir, faute de travaux de rénovation énergétique. Jean-Marc Torrollion, son président, dénonce le manque de prise de conscience du gouvernement.

Dernièrement, une étude de l'Insee et de l'Institut Paris Région démontrait qu'environ la moitié des logements d'Ile-de-France sont menacés par la future interdiction de louer des biens énergivores. Êtes-vous inquiet ?

Effectivement, d'autant que c'est un signal d'alarme que nous avons remonté dès la rentrée, à l'issue des propres statistiques du ministère du Logement. Très tôt, nous avions averti que pour un tiers, les logements du parc privé locatif d'Île-de-France étaient déjà considérés comme étant des passoires énergétiques, et que ces chiffres sont encore plus affolants pour Paris intra-muros. On assiste à une forme d'autisme gouvernemental totalement incompréhensible ayant pour caractéristique l'absence de prise en compte de certaines réalités opérationnelles. Je crains une réaction trop tardive alors même que des arbitrages pourraient intervenir très rapidement du côté des propriétaires bailleurs. Actuellement, une petite musique résonne de manière récurrente, nous disant que ces biens reviendront sur le marché avec une décote. Mais je pose la question : qui les achètera ? Certainement pas les locataires qui n'en auront pas les moyens ! En réalité, cette absence de prise de conscience risque surtout de créer une pénurie de logements locatifs indispensables pour les Français qui ne peuvent accéder à la propriété.

Les pouvoirs publics ont-ils conscience de l'urgence ?

C'est le syndrome du Titanic : la loi Climat et résilience est tel un gros paquebot lancé à pleine vapeur, chacun est en train de comprendre que l'iceberg se rapproche, mais personne n'ose tourner la barre, parce que politiquement, ce gouvernement se croit coincé dans ce qui a été voté. Il a par ailleurs très tôt annoncé ne pas vouloir changer le calendrier. Je pense que tout a été annoncé trop tôt, sans connaissance ni compréhension de la réalité. Dans les discussions que l'on peut avoir avec les parlementaires et certains ministres, on observe qu'ils ont une juste perception et qu'ils ne désapprouvent pas notre analyse, mais qu'en raison du contexte politique, ils restent enfermés dans le calendrier fixé. C'est une absence de courage politique. Je m'étonne par ailleurs que les associations de locataires ne s'en inquiètent pas plus, je pense donc entamer un dialogue avec elles afin de leur faire comprendre l'urgence de la situation.

Cette étude tend également à prouver que les logements énergivores sont plutôt occupés par des ménages modestes, n'ayant pas les moyens de financer une rénovation ou d'absorber la hausse de loyer qu'elle entraînerait. Comment dès lors résoudre et réussir le pari de la rénovation ?

Une partie de ces logements sont effectivement occupés par des propriétaires, ou appartiennent à des bailleurs, modestes ; mais si le coût est un facteur important, la faisabilité technique me paraît l'être encore plus. Notre sondage prouve d'ailleurs que pour 64 % des bailleurs interrogés cet aspect opérationnel est primordial, car inhérent à la spécificité des copropriétés, avec des problèmes de performances et de DPE individuels au détriment du collectif. Il n'y a pas de solidarité entre bailleurs et copropriétaires occupants. Aujourd'hui, nous avons entamé un travail de conviction qui pour le moment est très bien accueilli, d'autant que chacun y voit une porte de sortie. Ce ne serait pas un renoncement, mais une mise en cohérence de toutes décisions votées dans le cadre de Climat et résilience. Une nouvelle version de la loi a d'ailleurs été annoncée pour juin 2023, il faut absolument qu'elle acte les incohérences de la première mouture.

Votre sondage prouve quand même que pour réussir la rénovation, la question financière est centrale. Que proposez-vous pour y remédier ?

La copropriété doit être repensée en tant que personne morale capable d'emprunter. Il faut également que nous disposions d'une véritable politique des fonds travaux sur des instruments financiers qui profitent à la rénovation du secteur privé. Une politique de prêt garanti par l'État pourrait ainsi trouver tout son sens afin que les banquiers aient plus confiance dans la copropriété. L'éco prêt à taux zéro pourrait également retrouver du lustre, surtout au moment où les taux augmentent. Il faudrait aussi réfléchir à une politique fiscale plus ambitieuse pour les bailleurs, notamment sur le traitement des déficits fonciers, et pourquoi pas, sur un amortissement pour les propriétaires occupants.

Le projet de loi de finances pour 2023 a été débattu en première lecture à l'assemblée, avec notamment le vote d'amendements que la FNAIM dénonce. Pourquoi ?

Nous dénonçons notamment la fin avancée du Pinel (NDLR : à fin 2022 - sauf exception - au lieu du 31 décembre 2024). Dans le contexte actuel, c'est - encore une fois - un paradoxe incompréhensible : alors que la production de logements neufs est en berne et que les promoteurs avaient assis leur stratégie sur ce dispositif, on joue avec l'emploi et le logement des Français. Pour autant, il est intéressant de voir que, à travers différentes propositions et amendements, le statut de bailleur privé fait des émules chez nos élus, même s'il devrait être mieux réfléchi en amont. On sent une prise de conscience transpartisane de certaines réalités et de la nécessité d'un meilleur accompagnement. Mais il manque une vision globale qui devrait être impulsée par le gouvernement.

Les députés ont également adopté un amendement qui permettrait aux investisseurs immobiliers de soumettre leurs revenus fonciers à la flat tax. Qu'en pensez-vous ?

Prélevée à la source à 30 %, celle-ci demeure importante. Rendre compétitive l'imposition des revenus fonciers par rapport aux autres formes d'imposition est une bonne chose, mais il faut regarder l'impact sur la réalité de la fiscalité des détenteurs de biens destinés à la location. On ne doit pas surestimer les revenus des bailleurs - certains étant non imposables - pour que cette flat tax trouve tout son sens. L'État a toutes les données pour en juger, c'est une question de volonté.

L'actu de la FNAIM

Une nouvelle direction pour l'ESI
Céline Deytieux - ex Directrice adjointe chargée de la formation continue de l'ESI - en prend les rênes à la suite de Thierry Cheminant. Sa nomination accompagne une refondation en profondeur du fonctionnement de l'école : celle-ci se voit en effet dotée d'un nouveau conseil d'administration, et lance, en parallèle, de nouvelles formations continues asynchrones, en digital learning. De nouveaux projets conforteront aussi sa formation diplômante et renforceront ses liens avec les entreprises de l'immobilier (jobdating, master class avec des personnalités influentes du marché immobilier).

Bientôt le Congrès de la FNAIM

Le Congrès FNAIM et le Salon des professionnels de l'immobilier auront lieu les 5 et 6 décembre 2022 au Carrousel du Louvre. Hybride (digital et physique), il aura cette année pour thème l'engagement et accueillera quatre invités de renom : Fabien Galthié (entraîneur-sélectionneur de l'équipe de France de rugby), Philippe Bloch (entrepreneur, auteur, conférencier, expert du service client), le Général de division Vincent Desportes, et Virginie Raisson-Victor (spécialiste en relations internationales, analyste en prospective, Présidente GIEC Pays de Loire). Des ateliers, formations et rencontre avec de nombreux exposants sont également au programme.

Inscriptions et informations : congresimmobilierfnaim.com

Photo | Jean-Marc Torrollion

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