Sept./Oct. 2022
Le logement insouciant : de quoi parle le président ?
Le Président de la République, à la toute fin du mois d'août, a fait avec toute la gravité du monde des déclarations aux Français : il a annoncé au pays « la fin de l'insouciance, la fin de l'abondance » -sic. Il nous a promis du sang et des larmes.
On comprend bien que l'inflation du coût de l'énergie nous conduit collectivement à des efforts de frugalité. On voit même que des ressources qu'on croyait illimitées ne le sont pas : le dérèglement climatique fait de l'eau une richesse rare. Au-delà, l'essentiel des familles réduit sa consommation alimentaire et vestimentaire et puise dans son épargne pour payer ses déplacements et sa vie courante. Entre tous les postes des budgets domestiques, le logement éprouve les Français, qui ont du mal à s'acquitter des charges qui y sont attachées : les mensualités de crédit, pour la première fois, donnent lieu à des impayés et les loyers, les charges de copropriété sont payés avec difficulté.
Alors on croit comprendre ce que veut dire le Président quand il parle de serrage de ceinture. Mais où étaient l'insouciance et l'abondance dont il annonce la fin ? Pour le logement, rien de tout cela, c'est sûr. Si Emmanuel Macron en a eu le sentiment, il se trompe. Il faut dire aussi que la communauté immobilière a pu tenir des discours de nature à faire accroire au cours de ces dernières années que la France du logement était en fête permanente et générale. L'erreur d'appréciation présidentielle est insupportable aux oreilles de la plupart de nos compatriotes, qu'elle offense, mème si le Chef de l'État n'a pas eu cette intention. Elle fait surtout le procès de l'insuffisance d'analyse quand tout semblait aller.
Comment soutenir que nous sortons d'un âge d'or du logement ? Chez nous, entre 6 années et 8 années de revenus nets sont nécessaires pour pouvoir acheter son logement, un triste record dans l'OCDE. Quand le Haut conseil de stabilité financière, à la fin de 2019, limite à 35% le taux d'endettement des emprunteurs immobiliers et à 25 ans la durée des crédits, il dit en creux que pour accéder à la propriété et absorber le prix des logements neufs et existants, beaucoup de ménages avaient besoin de dépasser ces bornes. Que ces familles se mettaient dans des situations jugées par les autorités prudentielles délicates, et qu'au moindre problème elles risquaient le déséquilibre. Et aussi qu'en France, après avoir payé de quoi se loger, le reste à vivre pour consommer et contribuer à la croissance est faible.
Une récente étude d'HSBC fait grand bruit : à la fin du siècle la population mondiale aurait diminué de moitié, et la France elle-même perdrait 15% de sa population, du fait de la baisse de fécondité. Cette contre-performance démographique a également pour cause le prix des logements : un enfant de plus, c'est une chambre de plus, soit quasiment 10m2 supplémentaires à financer. Voilà la réalité, Monsieur le Président.
On est encore loin de l'abondance quand on estime à 3 millions le nombre des personnes qui ont au logement un rapport douloureux, à cause de l'insalubrité, de l'indécence, de la suroccupation, de la précarité et autres maux, jusqu'à la privation et au sans abrisme. Et même le « pognon de dingue » dépensé chaque année en aides au logement, une quarantaine de milliards, est de moins en moins efficace pour atténuer ces douleurs. Le pouvoir redistributeur des aides ne cesse de baisser. Nos modèles économiques et sociaux sont à revoir de fond en comble. Jusqu'à la fiscalité immobilière confiscatoire, qu'on rend acceptable à coup de dispositifs d'accompagnement : aurait-on besoin du PTZ si la TVA sur la construction résidentielle n'était pas à 20% ou de Pinel si l'imposition des revenus fonciers était moindre ? Abondance, dites-vous, Monsieur le Président ? Absurdité et gâchis plutôt.
Et si vous promettiez plutôt aux Français que vous allez réenchanter le logement ? Qu'il va être abordable et vertueux au plan environnemental ? Que nul n'en manquera, engagement que vous aviez d'ailleurs pris lors de votre premier mandat ? La souffrance ne sert de rien si, comme en médecine ou en chirurgie ou en religion, elle ne conduit pas à la guérison ou à la rédemption. On ne peut dire aux Français que la fête qui n'a pas eu lieu est terminée. C'est ignorer la vérité ou faire semblant de la méconnaître, et c'est désespérer Billancourt. Se résigner est coupable. Un sursaut de conscience et de volonté pour le logement serait bienvenu.
Expression #88
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