Juil./Août 2022
Inflation et logement : l'arbre qui cache la forêt
L'inflation fait rage. Elle nous touche tous. Nous devons faire face à des augmentations du prix des carburants, de l'énergie, des denrées alimentaires, des matières premières, des taux d'intérêt des crédits.sans bénéficier de l'inflation des revenus.
Dans ce contexte inédit, le gouvernement prépare un projet de loi relatif à la protection du pouvoir d'achat des ménages, et l'on sait que le logement n'en sera pas oublié. La question des locataires et de l'évolution des loyers selon un indice de révision sensible à l'inflation est centrale. Celle des accédants à la propriété présentant un risque affecté d'un mauvais coefficient, à cause de faibles revenus ou d'une situation professionnelle manquant de stabilité, n'est pas à négliger non plus : elle renvoie au taux d'usure fixé par la Banque de France, plafond que les établissements financiers ne peuvent dépasser. Aujourd'hui à 2,40%, ne rendant pas compte des taux majorés par l'inflation parce calculé sur des données antérieures, il conduit les emprunteurs les moins solvables à être éconduits et à être empêchés de devenir propriétaires. Le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a reconnu qu'une réflexion était menée pour en modifier le calcul, en le connectant de façon plus actuelle à l'inflation constatée, et pour le rehausser. La même Banque de France pointe la dérive des impayés bancaires de l'ordre de 10% en six mois, touchant pour la première fois les remboursements de crédit immobilier, alors que les seuls crédits à la consommation étaient jusqu'alors concernés lorsque la conjoncture se dégradait.
Bref, on s'agite pour que les circonstances économiques du moment ne causent pas trop de dégâts et ne mettent pas trop d'individus et de familles en difficulté quant à leur logement. Tout cela est bel et bien. Les pouvoirs publics sont là dans leur rôle d'urgentistes, qu'ils auront décidément dû jouer plus souvent qu'ils ne l'auraient jamais imaginé. Le problème, c'est que le conjoncturel cache le structurel, alors qu'il devrait à l'inverse en révéler les failles : comment comprendre qu'une hausse de taux de l'ordre de 35 points de base alors que s'écrivent ces lignes, ou une augmentation de loyer de 4% émeuvent à ce point et si vite ? Pourquoi la moindre augmentation du moindre matériau a-t-elle un impact aussi destructeur sur les ventes ? L'explication est simple : les prix des logements rapportés aux capacités contributives des ménages sont si élevés, l'effort budgétaire à déployer est si considérable que le moindre dérèglement de l'équation est insupportable. Les sujets de fond, à force de n'avoir pas été traités, ont créé cette situation tendue. Une production qui n'a cessé de baisser au cours des cinq dernières années, mais qu'on reconnaissait insuffisante auparavant ; une explosion du prix des terrains que rien n'a endiguée ni seulement ralentie au cours des vingt dernières années ; une mobilisation inefficace du parc résidentiel vacant, obsolète au plan technique, nécessitant des investisseurs soutenus et encouragés par une fiscalité adaptée. D'ailleurs, un édifice fiscal lui-même à rebâtir et à moderniser dans son ensemble pénalise la vigueur du marché et étouffe les initiatives des producteurs comme des propriétaires.
L'arbre est en train de cacher la forêt. À bon compte, le gouvernement se voile la face, ou du moins tait les maux fondamentaux. Pis encore, il donne le sentiment que tout irait plutôt bien si l'inflation ne nous éprouvait pas. En fait, si les bases étaient saines, on ne pâtirait pas de l'inflation aussi douloureusement. L'inflation ne fait qu'accentuer les effets de causes à l'oeuvre depuis longtemps. Du coup, des signaux se renforcent : les retards de paiement des prêts, des loyers, des charges de copropriété, ou encore la casse des dossiers de crédit, avec des projets compromis, les marges des promoteurs et des constructeurs mises à mal et menaçant la santé des entreprises, mais ce ne sont que les symptômes de dérèglements infiniment plus graves. Des signaux forts par rapport au danger de l'inflation, faibles par rapport aux cancers les plus ancrés. Un avantage tout de même : il va être difficile de dire cette fois-ci pour la communauté professionnelle de se satisfaire du court terme en sacrifiant le long terme. Car enfin, n'est-elle pas un peu tombée dans ce piège quand elle a brandi les transactions en nombre croissant pendant la pandémie, les prix orientés à la hausse, comme des preuves de la grande santé du secteur ? N'a-t-elle pas couru le risque, avéré par l'absence de ministre du logement dans le premier gouvernement Borne, de démontrer qu'il n'y avait pas de problème de logement dans notre pays ? Un peu comme ces malades convalescents qui prennent un mieux pour la guérison.
L'inflation pourrait avoir une vertu, la seule au demeurant, celle de faire se pencher le médecin au chevet du patient logement et de découvrir que les souffrances du moment en scellent d'autres, plus terribles. La perte de la majorité absolue pour l'exécutif pourrait aussi provoquer une prise de conscience que les grandes préoccupations des ménages ont été négligées. Une politique du logement ambitieuse et refondatrice relève désormais de l'urgence démocratique.
Expression #87
Autres Numéros Expression
- Edito : Pourquoi des incertitudes sur le marché
- Edito : La pierre, une passion française
- Edito : 2021, l'année des records
- Edito : Tension sur le marché
- Edito : Les bonnes nouvelles de la rentrée
- Edito : L'immobilier, valeur refuge
- Edito : Un an après le premier confinement, un autre marché
- Edito : L'immobilier résiste, envers et contre tout
- Edito : La résilience du marché de l'immobilier
- Edito : De meilleurs lendemains
- Edito : L'immobilier reste une valeur sûre
- Edito : L'immobilier a toujours la cote
- Edito : Immobilier : vers un nouveau monde
- Edito : Plus que jamais, les Français ont confiance dans la pierre.
- Edito : 2019, jackpot pour l'immobilier !
- Edito : 2019, un millésime exceptionnel !
- Edito : La période dorée de l'immobilier ancien
- Edito : 2019, année du million ?
- Edito : Un début d'année surprenant et prometteur
- Edito : Entre optimisme et prudence
- Edito : 2019, atterrissage en douceur ?
- Edito : 2018, année record
- Edito : Une rentrée sous surveillance
- Edito : Le marché fait de la résistance
- Edito : La fièvre immobilière ne retombe pas !
- Edito : Une phase d'observation
- Edito : 2018 sera-t-il à la hauteur du bon cru 2017 ?
- Edito : Faire entendre sa voix
- N°58 : Une rentrée semée de doutes
- N°57 : Nouveau Président, changement de paradigme ?
- N°56 : Toujours plus haut
- N°55 : 2017, sur les traces de 2016
- N°54 : 2016, un cru d'exception
- N°53 : Un marché enfin pérenne ?
- N°52 : Rentrée en fanfare
- N°51 : Ca va mieux ?
- N°50 : L'heure du doute ?
- N°49 : 2016, l'année de la reprise ?
- N°48 : L'espoir est permis
- N°47 : 2016, l'année de tous les possibles
- N°46 : Par ici la rentrée !
- N°45 : Le soleil brille à nouveau
- N°44 : Sur le grill
- N°43 : Reprise dans l'air
- N°42 : Un vent d'optimisme
- N°41 : Un nouvel élan
- N°40 : Tentative de relance
- N°39 : Les fondamentaux restent...
- N°38 : Une nouvelle ministre
- N°37 : A voté !
- N°36 : 2014 - vers un satisfecit
- N°35 : La grève du Père Noël
- N°34 : Le poids des mots, le choc de l'offre
- N°33 : Un plan de relance qui balance
- N°32 : Du rififi à l'Assemblée
- N°31 : Contexte et projet d'achat : un savant mélange
- N°30 : Et si...
- N°29 : Les prix vont continuer à baisser à court et moyen terme
- N°28 : Une rentrée riche de réformes pour les agents immobiliers
- N°27 : La FNAIM réfléchit à une réforme de la profession immobilière
- N°26 : Même si les prix baissent, les banques s'en sortiront
- N°25 : Les habitudes changent en matière d'énergie
- N°24 : Une année 2011 surprenante
- N°23 : Stabilisation au 3ème semestre des prix de l'immobilier
- N°22 Le marché de l'immobilier ancien est de plus en plus hétérogène
- N°21 Une plateforme européenne des professionnels de l'immobilier
- N°20 Prix de l'immobilier, et si c'était le moment de vendre ?
- N°19 Le marché immobilier français devrait ralentir fin 2011
- N°18 Remaniement du prêt à taux 0 pour insuffler un nouvel air au marché
- N°17 Les professionnels de l'immobilier parlent de reprise et invitent à l'investissement
- N°16 Le prêt à taux zéro renforcé
- N°15 2010 sous le signe de la reprise
- N°13 Le salon immobilier de Paris : Baromètre du marché
- N°12 L'immobilier écolo explose
- N°11 Faire face à la crise; Comment les réseaux s'organisent
- N°10 Dix conseils pour bien aborder la rentrée
- N°8 Internet : Mais comment bien s'en servir ?
- N°7 Plan de relance la machine se met en marche pour 2009
- N°6 Les conditions d'activités de l'agent immobilier
- N°5 Présentation d'un bien : L'agent immobilier peut-il encourir un risque pénal ?
- N°4 Mandat écrit : Une règle d'or public
- N°3 Home staging : le bon plan pour vendre vite et mieux
- N°2 Salon de l'immobilier 2008
- N°1 C'est encore le bon moment d'acheter

Recevez la newsletter Expression
merci de remplir le formulaire d'abonnement :
Valider votre inscription* champs obligatoires
