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ALERTE

La résiliation du bail commercial par l'action oblique

Un copropriétaire peut obtenir la résiliation du bail conclu entre un autre copropriétaire, bailleur, et son preneur, lorsque ce dernier méconnaît le règlement de copropriété

Vincent Walker

Vincent Walker

Un propriétaire avait conclu un bail commercial pour l'exploitation d'une activité d'achat, vente et réparation de scooters. Des copropriétaires du même immeuble se plaignant de nuisances sonores et olfactives induites par l'activité du preneur et contraires au règlement de copropriété ont assigné ce dernier afin que le bail soit résilié, qu'il soit expulsé et qu'il lui soit fait interdiction d'exercer toute activité dans les locaux dans l'attente de cette expulsion.

Le bailleur et son locataire reprochaient notamment à la Cour d'appel qui avait accueilli les demandes des copropriétaires, leur absence d'intérêt à agir, une atteinte excessive à la liberté contractuelle des parties au contrat, et de pas avoir tenu compte des démarches du bailleur à l'égard de son preneur afin de limiter les nuisances.

Par un arrêt du 8 avril 2021 (Civ. 3, 8 avril 2021, n° 20-18.327), la Cour de cassation a reconnu, pour la première fois, à un copropriétaire le droit d'agir directement contre le locataire d'un des copropriétaires de celui-ci, sur la base de la violation du règlement de copropriété.

En d'autres termes, si le preneur est débiteur du bailleur eu égard au respect du règlement de copropriété dans le cadre de son contrat de bail, le copropriétaire, bailleur, est lui-même débiteur à l'égard des autres copropriétaires car il a l'obligation de faire respecter le règlement de copropriété par son preneur. Par dérogation au principe selon lequel les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties, l'action oblique autorise un créancier à agir pour le compte de son débiteur, lorsque ses droits sont compromis par la carence de celui-ci dans l'exercice de ses propres droits à l'égard de son propre débiteur (article 1166 du code civil dans sa version antérieure ; article 1341-1 du code civil dans sa version en vigueur).

Ainsi, un copropriétaire peut endosser le rôle du copropriétaire-bailleur et solliciter la résiliation du bail ainsi que l'expulsion du preneur lorsque (i) la méconnaissance du règlement de copropriété par le preneur est établie et que (ii) la défaillance du copropriétaire- bailleur est établie, dans la mesure où ce dernier n'a pas accompli les démarches pour contraindre son preneur au respect du règlement de copropriété. Pour mettre en oeuvre cette action oblique, le créancier doit prouver une négligence, carence ou inaction de la part de son débiteur et que cette inaction lui cause un préjudice (en général par appauvrissement de son propre débiteur).

L'action oblique porte sur l'ensemble des droits patrimoniaux que le débiteur n'exerce pas alors qu'il devrait le faire.

Les tribunaux avaient déjà reconnu au syndicat des copropriétaires le droit de demander en justice la résiliation d'un bail commercial conclu par l'un des copropriétaires, en cas de violation du règlement de copropriété. Il est de même pour le créancier d'une somme d'argent qui peut exercer, en lieu et place de son débiteur, bailleur, une action en recouvrement de loyer à l'encontre du locataire de ce dernier (afin de pouvoir dans un second temps saisir les sommes recouvrées dans le patrimoine de son débiteur). Un voisin peut également solliciter la résiliation d'un bail conclu par des tiers, au motif que le locataire viole les dispositions de son propre bail et que cela lui cause un préjudice. C'est, à notre connaissance, la première fois que la Cour de cassation autorise une telle action oblique non pas sur la base des dispositions du bail lui-même mais du règlement de copropriété. La Cour rappelle en effet que le règlement de copropriété est un contrat entre tous les copropriétaires. A ce titre, tout copropriétaire peut exercer l'action oblique à l'encontre d'un locataire, en lieu et place de son bailleur, copropriétaire, qui ne ferait pas respecter ce règlement de copropriété.

Le créancier veillera à garder la preuve du non-respect du règlement intérieur par le locataire et de l'inaction du bailleur et évitera de tolérer trop longtemps une telle inaction de son copropriétaire-bailleur qui pourrait l'exposer lui-même à une prescription.

Photo | Vincent Walker

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