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FISCALITÉ

Location à prix minoré : qui veut redresser doit prouver !

Pour établir que la location de son bien immobilier par une société soumise à l'impôt sur les sociétés est intervenue dans des conditions étrangères à une gestion normale, l'administration fiscale doit établir le caractère anormalement bas du loyer consenti.

L'acte anormal de gestion

D'une manière générale, l'acte anormal de gestion est celui par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt. Il peut s'agir par exemple d'un acte qui la prive d'une recette sans être justifié par les intérêts de l'exploitation.

Lorsque l'administration invoque le caractère anormal d'un acte de gestion à l'appui d'un redressement, elle doit établir que cet acte a entraîné un appauvrissement de l'entreprise et qu'il n'a pas été accompli dans l'intérêt de l'entreprise. Toutefois, dans le cas où, du fait de la procédure d'imposition, le contribuable supporte la charge de la preuve (impositions d'office, notamment), il doit démontrer l'intérêt que revêt pour lui l'opération contestée.

Une inversion de la charge de la preuve.

Le Conseil d'Etat a récemment ajouté un nouveau cas de dispense de la preuve du caractère délibéré de l'acte anormal de gestion en présence d'une cession d'éléments d'actif immobilisé à un prix minoré (CE plén. 21 décembre 2018 n° 402006, Sté Croë Suisse). Il a en effet jugé que l'administration fiscale doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession lorsqu'elle soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale du bien et que l'entreprise n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, dès lors que l'entreprise ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans son intérêt, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie.

Non étendue aux locations à prix minoré

Une société de droit suisse, détenant une villa située à Saint-Jean-Cap-Ferrat, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a estimé que le loyer annuel qu'elle avait déclaré était inférieur à la valeur locative réelle de la villa et que cette minoration, qui était constitutive d'un acte anormal de gestion, devait être réintégrée dans ses résultats.

Par un jugement du 6 avril 2018 le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de la société tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge. A son tour, la cour administrative d'appel de Marseille a confirmé les redressements en reprenant le considérant de principe de la décision Sté Croë Suisse (CAA Marseille 28mai 2019 n°18MA01709).

Le Conseil d'Etat annule l'arrêt d'appel aux motifs qu'il appartient, en règle générale, à l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal. Le Conseil d'Etat juge qu'il appartenait à l'administration d'établir le caractère anormalement bas du loyer consenti et aux juges du fond de rechercher si l'administration démontrait que le taux de rendement de 4 % appliqué sur la valeur vénale de la villa pour déterminer sa valeur locative était pertinent alors même que la société requérante soutenait que ce taux ne correspondait pas au rendement réel d'un tel immeuble (CE 8 mars 2021 n°433019).

Par cette décision, le Conseil d'Etat refuse ainsi d'étendre sa jurisprudence sur la cession d'éléments d'actif immobilisé aux loyers minorés, jurisprudence dont il avait déjà écarté l'application en cas de cession d'éléments de l'actif circulant (CE 4 juin 2019 n°418357).

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