Professionnel de l'immobilier, ça ne s'improvise pas

« Résilient », ce mot prononcé maintes fois depuis quelques mois définit pourtant bien l'état du secteur immobilier aujourd'hui. Car malgré le confinement et des entreprises en souffrance, la pierre reste une valeur refuge pour une majorité de Français. À tel point que certains songent même à en embrasser les professions : selon une étude LinkedIn parue cette année, la fonction d'agent immobilier serait le troisième métier le plus recherché aujourd'hui. Les raisons avancées par les postulants sont le plus souvent des conditions de travail et une rémunération attractives. Conséquence : un appel d'air se crée sur le marché de l'emploi et de la formation professionnelle, et les annonces promettant de devenir agent immobilier en quelques clics fleurissent sur la toile. Mais attention : « On ne s'improvise pas professionnel de l'immobilier ! s'indigne Thierry Cheminant, le directeur de l'ESI (École supérieure de l'immobilier). C'est une profession règlementée, très encadrée et pour laquelle il faut être, en tant que dirigeant d'agence, détenteur d'une carte professionnelle. On peut avoir une image fantasmée de ces métiers, mais il faut avoir conscience de leur réalité : on ne vend pas une maison comme on vend une voiture ou un aspirateur. Il s'agit de l'achat d'une vie, c'est important symboliquement et financièrement. Pour faire cela, il faut donc être formé par des écoles ou des organismes reconnus. »... d'autant que le monde de l'immobilier n'est pas figé : les dispositifs fiscaux, les aides, les réglementations ou la législation immobilière évoluent tous les ans.

FORMÉS POUR EXERCER

Seuls les détenteurs d'un diplôme de niveau Bac+3 dans les domaines juridique, commercial ou économique, d'un BTS Professions immobilières ou de l'ICH peuvent obtenir le précieux sésame. Mais pour exercer en tant qu'agent ou négociateur (dans une agence détentrice de la carte), l'absence de diplôme n'est pas rédhibitoire en passant par les cases de la validation des acquis et des expériences, du suivi de formations courtes ou plus longues en CQP (certificats de qualification professionnelle). « En parallèle, les formateurs qui enseignent dans ces établissements publics ou privés sont des professionnels reconnus dans leur matière, précise le directeur de l'ESI. Ce sont des personnes de terrain - avocats, notaires, dirigeants d'agence - mais aussi des universitaires, légitimes dans leur rôle de transmission », indique Thierry Cheminant.
Que dire alors des coachs proposant des formations en immobilier - notamment à destination des particuliers - sur Internet ? Une étude réalisée en novembre par Real School (école en ligne de formation à l'investissement immobilier, destinée à accompagner les primo investisseurs) révèle ainsi que 90 % des formateurs n'ont aucun diplôme en rapport avec les cours dispensés : pas de comptable, pas de juriste. Ces formateurs sont des autodidactes, autoproclamés experts dans leur domaine, mettant en avant leur expérience acquise sur le terrain en multipliant les investissements, mais n'affichant aucune formation académique en lien avec leur activité. Experts des réseaux sociaux (avec en moyenne plus de 20 000 abonnés à leur compte respectif Instagram), ils surfent sur leur influence pour vendre ces formations. à grand renfort de photos shootées dans des lieux paradisiaques, au volant d'une voiture de sport, une coupe de champagne à la main.

DES PAILLETTES À GROS BUDGET

« Coach en immobilier ne signifie pas grand-chose et un compte Instagram n'est pas une garantie de compétences, observe Thierry Cheminant. Qui sont ces personnes, quelles sont leurs qualifications ? Même s'ils s'adressent à des particuliers et non à des professionnels, on peut s'interroger sur leur part de responsabilité. Surtout quand on voit les prix de ces formations ! » Car ces formations à distance, totalisant en moyenne entre 10 et 20h de contenu sous forme de vidéo affichent un tarif moyen surprenant de plus de 2 500 ?. Certaines s'envolant même à plus de 14 000 ?, sans garantie de réussite ou de certification bien sûr ! « En cas de problème de santé, on s'adresse à un médecin. Pour l'immobilier, c'est pareil : il faut s'adresser à un spécialiste, explique Thierry Cheminant. Oui, les particuliers sont bien devenus des proto-experts, et c'est une bonne chose qu'ils s'acculturent au secteur immobilier. Mais ils auront toujours besoin d'un professionnel pour décrypter les informations qu'ils auront trouvées. Notre plus-value, c'est cela : être un conseil éclairé et informé. Et pour cela, il faut être formé. » Pas plus, pas moins.