Nov./Dec. 2020
Transition énergétique des logements : la pauvreté de l'argumentation
Évidemment, l'attachement à l'avenir de la planète en est un. Comme les économies d'énergie des habitants. Le moins qu'on puisse dire est que les arguments pour donner aux ménages français l'envie de s'engager dans la transition environnementale sont à la fois éculés et pauvres.
Usés d'abord : reprenez les premiers discours publics prononcés lors du lancement du Grenelle de l'environnement, du vote des lois Grenelle 1 puis 2, et vous verrez que le temps a suspendu son vol. À bout de souffle surtout, parce qu'ils ne suffisent pas à convaincre les ménages de passer à l'acte. Plus précisément, les arguments contre ont la vie dure et l'on n'a pas l'impression que les arguments pour parviennent à l'emporter. Alors on décoche l'écologie punitive, assortie de menaces de ne plus pouvoir ni louer ni céder son bien s'il n'est pas aux normes. Il faut d'urgence se poser la question des bons arguments, avant que le projet de loi de Barbara Pompili, qui mettra en musique les attentes de la Convention citoyenne pour le climat, ne soit examiné et brandi comme un manifeste violent, plutôt que comme une déclaration apaisante et heureuse pour la nation.
Le texte sera déposé sur le bureau des parlementaires au début de l'année 2021, avec un trimestre de retard par rapport aux promesses faites par le Président de la République, et c'est une chance : il est vital que l'opinion regarde différemment ce qui se prépare et adhère plutôt que de subir. Elle roule aujourd'hui entre deux bords, une sorte d'enthousiasme religieux d'une part, exacerbé par la crise sanitaire et l'aspiration à une vie plus saine, et un réalisme économique à courte vue, qui lui fait prioriser d'autres dépenses sur la rénovation énergétique des logements. Certes, on pourrait arguer que les incitations budgétaires fortes vont faire basculer les plus sceptiques... Il n'en sera rien. Les gestionnaires locatifs, les agents immobiliers, les entreprises en bâtiment prennent ce qui vient avec bonheur. Les syndics se réjouissent que 2 milliards d'euros viennent abonder le budget déjà alloué à MaPrimeRénov et surtout que les copropriétés accèdent à cette aide, non seulement les copropriétaires à titre individuel. Ces professionnels savent aussi qu'ils vont devoir convaincre : la FNAIM, l'UNIS et Plurience, l'association des majors de la gestion, se sont ainsi engagés à obtenir la rénovation de 50000 copropriétés en trois ans...à condition d'obtenir que le diagnostic de l'immeuble puisse être décidé par le conseil syndical sans passer par le vote de l'assemblée, et que le fonds travaux, épargne obligatoire, soit calculé non pas sur le budget de l'immeuble mais sur les devis des travaux programmés. Les plus optimistes savent en effet que le combat ne sera pas seulement gagné à coût de dotations.
En somme, la lisibilité des bénéfices des travaux de rénovation en copropriété en particulier, est à ce jour insuffisante et les contraintes d'épargne ne sont pas réalistes. Ces avancées juridiques, si le gouvernement y fait droit, ne suffiront pas encore. Qui parle de retour sur investissement avec des données claires ? Beaucoup ont même fini par renoncer à cet argument historique, préférant reconnaître que la question n'est pas là : si, le rapport entre l'argent investi par les ménages et la réduction des factures énergétiques est majeur, et on sait aujourd'hui calculer que la durée du retour n'est pas si longue qu'on l'a cru, plus proche de 7 ou 8 ans que de 20 ans, ce qu'on a longtemps prétendu. Qui parle de confort d'occupation, avec des températures régulées et une insensibilité aux amplitudes thermiques ? Qui parle de préserver la santé, de nos aînés et de nos enfants surtout, que l'humidité ou l'excessive chaleur expose à des pathologies ?
Qui parle de valorisation du patrimoine ? Le Conseil supérieur du notariat avait réalisé une étude il y a dix ans faisant apparaître une élasticité prix des performances énergétiques des maisons en zones détendues : quand calculera-t-on ce phénomène en 2020 ou 2021 même au coeur de nos villes ? Et qui demandera enfin une fiscalité incitative, plutôt que des aides en permanence ? Mieux vaudrait que les ménages qui choisissent de réaliser des travaux bénéficient d'une reconnaissance fiscale, au moment de la vente, de la donation, ou pour atténuer la taxation de leurs revenus fonciers par exemple. Qui fait prévaloir cette logique sur la supplique sans fin de dotations budgétaires majorées, puisées dans un tonneau des Danaïdes, qui ne seront peut-être pas consommées si les Français n'y croient pas ? Qui même a le courage d'avouer que certains immeubles, certaines maisons vont devoir être détruits plutôt rénovés à grands frais, sans résultat concluant, et que la rénovation n'est pas toujours ni possible ni rationnelle, notamment rapportée à la valeur du bien ?
Et puis de grâce, que l'État ne pense pas que les pénalités et les sanctions vont régler le problème : elles auront juste l'effet d'exaspérer et de creuser la distance entre les élites politiques et le peuple, au pire moment, quand les emplois et les entreprises disparaissent plus vite que les vies, pourtant plus fragiles que jamais, et que les équilibres sociaux sont compromis.
Henry Buzy-Cazaux, président de l'Institut du Management des Services Immobiliers, président du think tank « République et logement »
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