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TÉMOIGNAGE

Le rapport Nogal : menace ou opportunité ?

Les Chinois ont une expression unique pour désigner les deux ; en l'occurrence, c'est bien de cela dont il s'agit.

Oui sans aucun doute, le rapport du député Nogal bientôt suivi dans un délai record d'une loi éponyme, représente une opportunité pour les professionnels de l'immobilier ! Mais, nous le savons, le diable se cache toujours dans les détails, et nous devons poursuivre un dialogue constructif et argumenté pour améliorer certaines propositions et en supprimer d'autres. Sur la forme tout d'abord, saluons la méthode, basée sur une très large et approfondie concertation des différents acteurs, ce à quoi nous n'étions plus habitués depuis longtemps ! Le rapport se veut exhaustif (peut-être un peu trop) et il n'y aurait rien de choquant à revoir à la baisse le nombre des propositions, à ce jour au nombre de trente-sept.

Sur le fond, et c'est là l'essentiel, oui il y a urgence à instaurer durablement une relation de confiance entre bailleurs et locataires. On ne peut continuer avec cette dialectique manichéenne des gentils locataires face aux méchants bailleurs ! Cette vision étriquée et passéiste, attise d'ailleurs en vain les tensions. Et dans le monde d'aujourd'hui, où la mobilité professionnelle sera une clé de la réussite, les locataires ne le restent pas éternellement et deviennent à leur tour des bailleurs, des propriétaires louent leur résidence principale pour devenir eux-mêmes locataires ailleurs. Certains locataires ne pouvant pas acheter leur résidence principale investissent néanmoins dans la pierre pour louer, et sont à même de mesurer et de comparer les deux statuts. Rappelons au passage que le taux de sinistralité en matière de loyers impayés reste très bas (autour de trois pour cent), et que dans le parc privé seuls quinze pour cent des bailleurs sont assurés...ce qui représente un risque latent d'anti sélection. Locataires et bailleurs doivent être appréciés comme des agents économiques complémentaires, les uns n'existant pas sans les autres et réciproquement.

Sur le fond toujours, la communauté professionnelle doit se réjouir de se voir attribuer le rôle majeur de tiers de confiance dans cette relation si particulière entre le bailleur et son locataire. L'administrateur de biens est celui qui porte une vision neutre sur chaque situation, il est gardien de l'état du bien loué et est conseil en matière de qualité énergétique. Il a effectivement besoin de plus d'autonomie et de plus de responsabilités. Mais autonomie et responsabilités ne peuvent se concevoir dans un cadre rigide unique. L'obligation générale de garantie peut être compatible, doit être compatible avec la liberté pour le professionnel de choisir, en accord avec ses clients, le meilleur système de couverture, respectant les critères définis par la loi, et aboutissant à sceller ce socle de confiance réciproque. Par analogie, l'automobiliste a une obligation d'assurance dans un périmètre commun également défini par la loi, mais il peut choisir de multiples garanties optionnelles. La relation de confiance doit également s'appuyer sur des éléments concrets, et il ne serait pas incongru de créer, avec toute la prudence règlementaire voulue, un fichier national des incidents de paiement.

Sans prétendre commenter les trente-sept propositions du rapport, saluons l'idée d'une certification « immo + » qui renforce le rôle futur du professionnel. Attention toutefois à ne pas laisser s'installer une dichotomie forte entre « petits » et « grands » professionnels qui se traduirait par une rupture d'égalité commerciale face au client. Dans le même esprit, nous ne pouvons souscrire à l'idée de plafonner les honoraires ; ce plafonnement aurait un parfum d'économie administrée du logement, qui n'est plus de mise. La différence doit se faire sur la qualité et le nombre des services proposés dans une logique concurrentielle.

La volonté affichée de rétablir la confiance entre bailleurs et locataires, ne peut s'exonérer d'une réflexion en profondeur sur les critères de solvabilité des candidats locataires. Le contrat à durée déterminée n'est plus la matrice universelle ; les embauches se font massivement en contrats et ou statuts « non CDI » et les bénéficiaires rencontrent de graves difficultés à se loger, alors même que leur pouvoir d'achat est réel, et qu'ils contribuent par ailleurs à l'économie générale en qualité de consommateurs. Il y a urgence à apporter une réponse et à faire cesser cette forme de discrimination.

Cette réflexion doit s'étendre au dépôt de garantie. Progressivement réduit à un mois, ce dépôt est aujourd'hui démonétisé ; il est un sujet de frustration, de confusion et une source de litiges. Le locataire peut invoquer une perte, certes temporaire mais réelle de pouvoir d'achat. Le bailleur pense de bonne foi qu'il lui appartient alors que c'est faux, le locataire, par crainte de ne pas le récupérer aura parfois tendance à « oublier de régler le dernier mois de loyer. Et, en cas de sinistre (moins de cinq pour cent des cas seulement) le dépôt ne couvrira pas les pertes pour le bailleur. Dans le cadre des locations de gré à gré entre particuliers, 35 % seraient réalisées sans versement de ce dépôt, selon des critères totalement empiriques... et parfaitement discriminatoires ! Faut-il, dans ces conditions conserver ce dépôt de garantie ? Sa suppression ne ferait-elle pas fuir les bailleurs ou les candidats investisseurs ? Il faut répondre non à ces deux questions à condition d'élaborer un système assurantiel obligatoire impliquant les bailleurs et les locataires. Cette idée n'est d'ailleurs pas si nouvelle, et quelques talentueuses start up proposent des solutions en ce sens. La mutualisation du risque n'augmente pas la sinistralité, bien au contraire, elle stabilise le risque. Autre avantage : nous pourrions éviter la création ex nihilo d'un organisme chargé de consigner les dépôts de garantie dont le fonctionnement s'avèrerait très aléatoire et d'une grande lourdeur et qui se retournerait, in fine, contre ceux qu'il serait censé aider. Ces propositions méritent, je le pense, des échanges approfondis dans la perspective du travail parlementaire qui s'ouvrira très prochainement. Ne passons pas à coté de solutions simples mais utiles à cette confiance durable que nous appelons tous de nos voeux.

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