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OPINION

Marché du logement : une France à plusieurs vitesses

Affolement général sur la planète logement. Les titres des derniers articles sur le sujet sont éloquents.

« La barre des 10 000€/m2 franchie à Paris » « Les professionnels annoncent le dépassement du million de transactions dans l'ancien !». Mauvaise terminologie, amalgame, prise de parole par des non professionnels, tout participe à cette nébuleuse qui permet de dire beaucoup de sottises sur l'une des préoccupations majeures de nos concitoyens : leur budget logement mensuel. La terminologie tout d'abord. Quand cessera-t-on de parler de logements «anciens » pour enfin évoqué le parc existant ? Le parc existant comporte 35,6 millions de logements pouvant être, moyenâgeux, du XVIIème, du XVIIIème, haussmanniens, récents, rénovés, futuristes,... ils ne sont donc pas tous anciens ! Il est de coutume de parler des voitures d'occasion face aux livraisons de voitures neuves !

Reléguer le logement à « l'ancien » est réducteur, et laisse à penser qu'il n'évolue pas... ! Alors qu'il se réhabilite, s'entretien et augmente en nombre tous les ans d'environ 350 000 livraisons de logements neufs, soit tout juste 1% du parc par an. L'amalgame : méli-mélo entre l'augmentation des prix et celle des volumes. Pour bien analyser le nombre de transactions réalisées par an, il faut obligatoirement le rapporter au nombre de logements puisque celui-ci progresse aussi. Pour mémoire, 965000 transactions réalisées en 2018 sur un parc de 35,6 millions, cela représente un taux de rotation de 2,7 %. Parallèlement, le nombre de nos concitoyens progresse également de 340000 par an (1 million tous les 3 ans : 64 millions en 2010 contre 67 million en 2019). Il est donc normal que le nombre de transactions progresse. C'est donc bien ce « Taux de rotation » qu'il faut surveiller et non pas le nombre dans son absolu. Depuis 15 ans hormis l'année de la crise de 2008, ce taux varie de 2,1 à 2,7. Par ailleurs, pour les prix, il est économiquement constaté que leur augmentation précède en général une augmentation des volumes. Mais peut-on dresser des moyennes et aborder le marché du logement parisien en même temps que celui des Vosges, ou du Gers ? Paris et la première couronne remporte sans nul doute le record avec plus 55% en 10 ans. Les grandes métropoles comme Bordeaux, Lyon ou Nantes constatent récemment des augmentations annuelles de l'ordre de 6 à 9%.

D'autres villes moyennes (Rouen, Orléans, Dijon voire même Lille) enregistrent pour elles des taux entre 0 et 2% annuels. Beaucoup de villes plus petites voient même leurs prix régresser, sans compter les zones périurbaines ou les lotissements de maisons individuelles qui sont dans un marché marqué fortement à la baisse. Et puis des zones rurales, essentiellement dans le quart nord-est du pays, ou la demande est totalement atone. Le constat est sans appel. Différents paramètres expliquent cette France à plusieurs vitesses. L'attractivité des régions avec l'ensoleillement ou la proximité des plages, l'attractivité historique de certains bassins d'activité économique, l'aménagement du territoire résultant d'une politique d'urbanisme révolue, l'évolution démographique sont autant de paramètres croisés qui aboutissent à ce déséquilibre croissant.

Il ne s'agit donc pas d'une France à deux ou trois vitesses, mais d'un pays dans lequel les écarts se creusent de plus en plus. Le mécanisme de la centralisation jacobine n'y est pas étranger. Les mesures prises pour enrayer le phénomène ne font que l'aggraver. Citons par exemple la mesure « Duflot » reprise par le gouvernement de Monsieur Philippe sur l'encadrement des loyers. Non seulement les effets sont limités, mais pire les nouveaux bailleurs se tournent vers d'autres marchés où les prix d'acquisition sont moins élevés et offrent donc une rentabilité meilleure, pendant que d'autres propriétaires préfèrent mettre en location de courte durée style AIRBNB pour optimiser leur rendement avec moins de contraintes. Résultats nos jeunes étudiants galèrent encore plus pour se loger dans les grandes villes et métropoles où est située la plupart de nos universités. Certaines initiatives vont beaucoup plus loin comme les propositions du président de l'assemblée territoriale corse, Monsieur Jean Guy Talamoni qui, pour lutter contre la flambée des prix, et s'appuyant sur une délibération de 2014, a plaidé pour l'expropriation des acheteurs de biens immobiliers qui ne résidaient pas sur l'ile lors de leur acquisition. Dans la foulée c'est vers une taxation forte des résidences secondaires que la dite assemblée semble désormais se diriger. Les dispositifs fiscaux ont pour leur part eu des résultats très controversés. Si les réponses sont souvent locales, les mesures excessives aboutissent très souvent à l'inverse de l'objectif recherché surtout lorsqu'elles sont prises en méconnaissance des particularités locales. Le logement est un sujet sensible qui mérite mieux que des lois. En conclusion pour soigner le malade, il faut en premier lieu faire un bon diagnostic. Pour tester les remèdes, le médecin du logement devra :

  • regarder l'évolution du taux de rotation annuel du parc existant par secteur
  • analyser localement les données démographiques, économiques et urbanistiques
  • écouter les professionnels responsables qui seuls connaissent les spécificités du terrain
Nous pourrons alors peut-être réduire le nombre de vitesses de notre pays.

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