Mars/Avril 2019
La gestion locative : un service multiforme en pleine révolution
Poussiéreux, rébarbatif, incompréhensible pour beaucoup, le métier d'administrateur de bien sort d'une léthargie conservatrice dans laquelle il baignait confortablement depuis quarante ans, pour se transformer en eldorado numérique, au plus grand bénéfice des locataires et des propriétaires. Explications.
Journaliste : François Moerlen
S'il est bien un secteur des services immobiliers à conquérir, c'est celui-ci : avec 65% de part de marché, le particulier se taille la part du lion. Et ce n'est pas le fruit du hasard, tant la valeur ajoutée du professionnel restait à démontrer. Forts de ce constat, de nombreux acteurs ont engagé la conquête de ce formidable marché, riche en DATA qualifiée et moteur de développement économique. Les belligérants sont nombreux : grands groupes, réseaux, agents immobiliers, mandataires et start up ont chacun leur stratégie pour conquérir ce marché de 4 milliards d'euros.
Le premier constat relève du changement de comportement des consommateurs. Fini le temps des bailleurs endormis. Le temps où les propriétaires confiaient leur immeuble en gérance sur plusieurs générations est terminé. Aidé par des lois telles que la loi Chatel, et une culture de l'indépendance, le mandant change régulièrement de gestionnaire, et tourne les talons au moindre mécontentement. Ainsi, la durée des mandats est plus courte, et l'exigence de qualité plus importante. L'enjeu de la conquête est stratégique, et change le modèle économique. Les professionnels sont dans l'obligation de capter de nouveaux clients, afin d'éviter l'érosion de leur portefeuille. Si les spécialistes de la croissance externe calculent une perte minimale de 20% sur la clientèle rachetée, ce phénomène impacte aussi les spécialistes de la croissance organique. Ils voient leur progression stagner à terme, leurs gains étant réduits par les résiliations. Il en ressort que les modèles de croissance imposent à la fois une stratégie de croissance organique et externe.
Le second constat repose sur l'upgrade de la qualité de service et la diversification des offres. Si la part de marché des professionnels est restée si faible, il faut en tirer la conclusion que la valeur ajoutée du service n'était pas forcément perçue. L'encaissement des loyers, la gestion des travaux souvent perfectible, l'édition d'une quittance ne correspond plus à des attentes devenues multiples. Si certains bailleurs souhaitent toujours se décharger entièrement des soucis de gestion, ils se tournent vers de l'immobilier géré type résidences services ou SCPI.
L'avènement de l'économie collaborative a poussé le bailleur à s'impliquer et choisir les prestations de son choix. Cette évolution a favorisé l'émergence de modèles séquencés qui apportent un service à la carte : les plateformes d'assistance, type Rentila ou Gérer Seul, revendiquent 40 000 utilisateurs. Elles mettent à disposition un univers d'assistance qui permet au bailleur de gérer ses biens de manière autonome, en contrepartie d'un abonnement. Les plateformes low cost offrent un service de gestion fondé sur l'automatisation. Toutes les tâches sont standardisées, et ce qui ne peut l'être est à la charge de l'utilisateur. Les missions locales, type visite et état des lieux sont réalisées par le bailleur. Dans ce domaine, les sites Flatlooker, Wizi ou Homepilot ont le soutien d'investisseurs importants, mais restent confrontés à la difficulté de l'absence de service local.
Les standards ont également changé. Le reversement mensuel des
loyers, la publication des comptes et des documents, le paiement
des loyers par carte bancaire sont autant de normes exigées
par les clients. Elles impliquent rigueur et transparence dans la
tenue de la comptabilité et de la gestion des événements. De
fait, les investissements induits et les compétences à mettre en
oeuvre génèrent des effets de seuil : un portefeuille de moins de
100 lots devient difficilement rentable, ce qui pousse les petits
gestionnaires vers les solutions d'externalisation qui apportent un
service clé en main.
Face à ces nouvelles concurrences, les agents immobiliers évoluent
rapidement et comprennent mieux que jamais, l'enjeu stratégique
de proposer ce service aux investisseurs, selon diverses stratégies.
Certains réseaux de franchise pratiquent la nourrice en local :
l'un des franchisés du département héberge les lots des autres
membres du réseau. D'autres choisissent de centraliser la gestion,
via le recours à une centrale d'externalisation, tout comme
nombre d'indépendants. On estime aujourd'hui à 2000, le nombre
d'agences affiliées aux services de gestion externalisés.
Et cerise sur le gâteau, le contexte politique est porteur : les pouvoirs publics, sous l'impulsion du Premier Ministre, sont convaincus de l'intérêt de développer l'intermédiation professionnelle. Au travers de la mission confiée au Député Mickael Nogal pour réformer le modèle des agences immobilières et faciliter les rapports locatifs, le gouvernement donne le signal que la matière est trop importante pour la laisser entre les mains des particuliers. L'absence de contrôle, de respect des règles et le déséquilibre du rapport de force entre un propriétaire et un candidat locataire est tel, qu'il ne peut y avoir d'application des politiques publiques, sans l'intervention d'un tiers de confiance. A juste titre, la mission en cours consiste autant à rechercher les moyens d'augmenter la part de marché des professionnels, qu'à exiger en contrepartie, la montée en gamme, et la stricte application des textes.
Ainsi, le marché de la gestion locative constitue certainement l'un des enjeux les plus importants en matière de services immobiliers, et ce à double titre : un enjeu économique représentant à minima 4 milliards d'euros par an, et un enjeu technologique au travers d'une transformation numérique dont le modèle reste largement à inventer.
Expression #67
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