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POINT DE VUE

Logement : vers un sevrage budgétaire

La communauté immobilière ne s'y attendait pas. Certes, on voyait bien se renforcer les discours publics sur l'impérieuse nécessité de réduire le déficit public et l'épée de Damoclès de la réduction budgétaire pend depuis plusieurs lois de finances sur le logement comme sur tous les secteurs d'activités et tous les ministères. Pour autant, le logement s'en était toujours bien tiré, au nom de l'emploi en particulier : le puissant lobbying du bâtiment, avec son million et demi de postes salariés, a calmé les ardeurs de Bercy et dissuadé des gestes les plus durs à l'encontre de l'immobilier. Sans parler du risque d'insatisfaction des ménages, sur un sujet crucial pour eux, qu'ils tentent de louer, d'acheter ou d'entretenir leur patrimoine.

Seulement voilà, Emmanuel Macron est sans doute plus déterminé que ses prédécesseurs à redresser le pays et à le guérir de ses maux les plus graves, ceux qui obèrent son avenir et affectent sa compétitivité. L'homme a pour la France une ambition qui passe par des efforts, et il les demande sans circonlocution à tous ceux qui à ses yeux se sont laissés aller... Les collectivités locales en font l'amère expérience, comme les centrales syndicales qui ont vécu sur une conception périmée du monde du travail selon lui. Pour le logement, nos nouveaux gouvernants ont eu des mots très durs, qu'on n'avaient entendus que de la bouche d'idéologues, d'ailleurs au sens noble du terme, par exemple aux premières heures du socialisme conquérant au début des années 80 : l'immobilier est une rente, les propriétaires, privés et publics, doivent baisser les loyers pour permettre à l'État d'alléger les aides versées aux ménages sans conséquence pour eux.

Oui, en plus d'être un secteur dépensier au sens de la contribution publique qui lui est attribuée chaque année, près de 42 milliards d'euros, soit 2% du PIB, autant que l'armée, le logement est clairement accusé par le Président et ceux qui l'entourent de mal utiliser ces fonds, voire de les détourner. L'effet d'aubaine, qui conduit les producteurs à récupérer à la fin l'aide publique, serait le cancer de ce secteur. Les aides, personnelles, financières, fiscales, seraient au bout du compte détournées de leur but, en autorisant les promoteurs, les constructeurs, les propriétaires vendeurs ou bailleurs, à augmenter les prix de cession ou de location. En somme, une sorte de tonneau des Danaïdes, un puits sans fond, dans lequel l'État verse en pure perte pour le consommateur final. Cette attaque portée au secteur du logement est-elle fondée ? Est-il vrai que l'aide publique a encouragé les parties prenantes à tomber dans la facilité, selon laquelle on ne s'interroge plus pour rationaliser les coûts de production ou les composantes de la formation du prix des loyers, en se disant que l'État neutralise les augmentations ? S'est-on effectivement accommodé de cette situation perverse, en oubliant que l'argent de l'État est aussi celui des professionnels du logement et qu'il faut veiller à ne pas le gaspiller ?

Oui, il serait malhonnête de nier les dérives. Sauf qu'elles sont moins le fait des acteurs professionnels ou des propriétaires que de l'État lui-même et des collectivités. L'augmentation tendancielle des fiscalités nationale et locale, le poids croissant des normes et la prévalence partout du principe de précaution, l'alourdissement des procédures administratives à tous les niveaux, l'explosion du prix du foncier encouragé par un mécanisme de taxation des plus-value aberrant et par une attitude malthusienne des grands propriétaires publics, là sont les cancers. Ces terribles pathologies ont rendu vitale la perfusion budgétaire publique. La tentation spéculative, l'envie de majorer les marges bénéficiaires des entreprises sont des causes infiniment moins fortes de l'inflation des prix et du besoin d'amortisseurs économiques. L'État le sait depuis longtemps et il se fait pardonner en quelque sorte : Monsieur Macron n'a plus envie qu'il se fasse pardonner, parce qu'il n'en a plus les moyens. Le problème est délicat: de ce Président réformateur, on attend qu'il reparte du début et qu'il n'apporte pas une réponse simpliste et brutale, à l'instar d'un médecin qui ne saurait soigner les addictions que par le sevrage. Si la fin du film est mauvaise, avec une enveloppe budgétaire devenue insupportable, c'est que tout le scénario est mauvais. Oui pour réduire les aides, non pour se livrer à cet exercice violent sans veiller à rétablir pour l'organisme des conditions normales de vie.

En faisant pression sur le marché par la diminution des aides, l'État obtiendra le résultat d'affaiblir les rythmes de vente, de décourager les investisseurs et de pénaliser les ménages. Le chantier doit être repris à la base... Revoir les fondations de l'édifice plutôt que commencer par ravaler la façade, pour filer la métaphore immobilière. Et à ce titre, les petites phrases stigmatisantes sont dangereuses : elles laissent l'amer sentiment que l'analyse n'a pas été menée et que le gouvernement va vite en besogne. Un constat prévaut: le logement rapporte plus à l'État qu'il ne lui coûte. Il pourrait certes lui coûter moins, lui rapporter plus, si la fiscalité et les circuits de financement étaient repensés, simplifiés, si le carcan administratif se desserrait et si les énergies étaient libérées.

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