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POINT DE VUE

Mission : « Immobilier et numérique » : il était temps

La prédécesseure de Madame Cosse au ministère du logement a investi Bernard Vorms, président du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières, d'une mission consistant à réfléchir aux conséquences de la digitalisation sur les activités de vente et de location. D'où vient que Sylvia Pinel ait cru bon d'ouvrir ce dossier? Avec quelle arrière-pensée ou avec quelle intention ?

Incontestablement, Airbnb est dans le collimateur des pouvoirs publics et sans doute cette plateforme collaborative pour la location est-elle pour partie à l'origine de l'affaire. On voit que l'Etat apprécie peu que des acteurs du virtuel aillent jusqu'à échapper à l'impôt à force de dématérialiser leurs activités. On ne peut s'empêcher de penser que, d'une manière générale, ceux qui s'abstraient des règles administratives, quelles qu'elles soient, sont regardés avec suspicion par les pouvoirs publics, qui se demandent comment les faire entrer dans le rang. Au demeurant, le ministère du logement n'est pas celui du budget, et la question qui peut le tarauder ressortit plutôt au respect de la loi Hoguet. Sans doute d'ailleurs les fédérations professionnelles se sont-elles émues qu'Airbnb fassent de la transaction locative en échappant aux contraintes de la loi du 2 janvier 1970, et on les comprend. Cela dit, que faire, sinon astreindre aux obligations de la loi Hoguet et de tout l'arsenal qui pèse sur les agents immobiliers tous les acteurs de la transaction numérique, dans l'intérêt du consommateur ?

Fallait-il une commission pour parvenir à cette conclusion ? Oui, parce que mine de rien ces acteurs ne se considèrent pas comme des agents immobiliers et qu'il faut bien analyser sans passion leur situation pour les convaincre de se couler dans le moule. Quels autres acteurs sont-ils visés par la réflexion ? Les réseaux d'agents commerciaux mandataires ? Ils agacent les agents immobiliers qui exercent classiquement, qui les accueillent comme l'ont toujours été les nouveaux entrants qui réussissent. Les franchiseurs ont connu cela il y a trente ans par exemple. Enfreignentils ou malmènent-ils la loi Hoguet ? Non. Tout au plus le schéma de la carte professionnelle, fondé sur le principe de proximité physique entre le porteur et ses préposés, est-il inadapté aux réseaux régionaux ou nationaux. La loi Hoguet a été écrite alors que les agences étaient des structures familiales ou artisanales, avec une ou deux succursales d'hyper-proximité, alors que l'évolution des transports puis de la circulation des données par l'Internet a périmé la notion de territorialisation. Au demeurant, cette notion n'est pas explicite dans la loi, mais elle est dans son esprit. Pour le reste, les réseaux de mandataires sont respectueux de la règlementation jusque dans le détail.

La question de la digitalisation de la transaction, c'est-à-dire d'abord de l'avénement de ces vitrines virtuelles que sont les sites d'annonces qui sont apparus dès 1997... jusqu'à nos jours, avec Bien'ici, conduit à celle des honoraires. Est-il normal que les honoraires demandés soient toujours au même niveau ? Au fait, derrière des tarifs invariables, les prix effectivement pratiqués n'ont-ils pas drastiquement baissé depuis vingt ans ? Les agents immobiliers n'ont-ils pas eu le tort de faire comme si de rien n'était, accréditant la thèse que la baisse des coûts de commercialisation grâce à l'Internet n'avait rien changé à leurs honoraires ? Les réseaux de mandataires, eux, affichent un modèle économique avec de moindres charges de structures, leur permettant une modération des honoraires... qui sont dans la réalité des honoraires de marché! En clair, tous les acteurs ont dû se plier à la désolvabilisation des ménages, les uns malgré eux et sans l'avouer, les autres plus spontanément et plus ouvertement.

Néanmoins, il n'est que temps, dans la transparence, de mesurer si la dématérialisation des données et de leur traitement, non seulement au stade de l'annonce et de la mise en marché mais encore pour la totalité des process, jusqu'à la signature électronique des documents, n'entraîne pas un nouveau modèle professionnel et une nouvelle économie générale de la transaction. C'est ce qu'il faut attendre de la commission installée par Madame Pinel et dont Madame Cosse hérite. On peut juste s'interroger sur un point, aujourd'hui indifférent au fond: cette saisine n'est-elle pas tardive, tellement le sujet semble primordial pour la communauté professionnelle et pour les familles ?

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