N°35
Nov./Déc. 2013

HARO SUR UNE RÉFORME RATÉE

MOTS CLES : Désaccord | Stigmatisation | Déséquilibre

Jean-Francois Buet Jean-François Buet est parti en croisade contre le projet de Loi ALUR de Cécile Duflot.

En multipliant les tribunes libres, le président de la FNAIM entend bien convaincre que son combat ne reflétera pas celui des moulins à vents.

Rencontre avec un expert de l'immobilier à la verve et l'esprit aussi acérés que sa lutte.

 

Il n'a pas été rare de rencontrer, ces dernières semaines, un Jean-François Buet particulièrement échauffé au détour des colonnes de nos journaux. Formellement opposé au projet de Loi ALUR de Cécile Duflot, le président de la FNAIM s'est fait le porte-voix d'une profession dont la parole souffre d'un manque de considération. Des arguments explicites contre le texte qualifié de « nocif », Jean-François Buet en a plein ses poches et entend bien les exposer avant que le point de non retour ne soit atteint.

Une loi qui aurait pu
se révéler salutaire

Le projet de Loi ALUR aurait presque pu avoir tout pour plaire. Presque, si et seulement si la structure et la consistance du texte avaient pu être sujettes à discussions et négociations. Dans les faits, des rencontres avec des professionnels de l'immobilier ont bel et bien eu lieu. Des heures à s'entretenir avec les membres du cabinet de Cécile Duflot, qui ont écouté impassibles les recommandations avisées de ceux qui connaissent et prévoient les soubresauts du marché.

Complaisance politique d'un passage en force diront certains, hypocrisie et processus de déculpabilisation gouvernemental avanceront d'autres. Ce qui n'enlève rien au postulat que le texte ALUR disposait de fondements louables.

« Tout ce qui va dans le sens de la réglementation et de l'encadrement des professions n'est pas négatif. La mise en place de formations spécifiques, d'un code éthique, des cartes professionnelles distinctes et les garanties financières non plus. Après, sur l'encadrement des loyers et la GUL je ne dis pas grand-chose. L'un ne va concerner que les communes de plus de 50 000 habitants qui sont en zones tendues, et l'autre ne sera mise en place qu'en 2016 avec sûrement un certain lot d'amendements en supplément vu les larges oppositions aussi bien à droite qu'à gauche. Non, le problème n'est pas là... » explique Jean-François Buet.

Une loi toxique pour la relation bailleur / locataire

L'investissement locatif est en berne. Une surprise à un moment où la polémique suscitée par la réforme des retraites aurait plutôt laissé présager que les Français chercheraient à accéder à la propriété. Une fois la retraite venue, disposer d'un bien immobilier constitue un atout indéniable pour compléter une pension insuffisante.

Et pourtant, pour Jean-François Buet, le constat n'a rien d'étonnant. Ce sont les prémices de l'annonce de la Loi Duflot. Elle tend à donner trop d'avantages aux locataires au détriment des propriétaires, pointés du doigt comme des mercantilistes mal intentionnés.

Le texte Duflot offre ainsi aux locataires de pouvoir remettre en cause certains détails contractuels inscrits dans le bail tels que montant du loyer, surface ou état des lieux. « Les bailleurs deviennent très inquiets et ne se sentent plus en sécurité de ce qui va se passer avec les locataires. On a pu d'ailleurs dénoter qu'une certaine agressivité commence à se faire ressentir dans la relation que les locataires entretiennent avec leurs propriétaires. Du coup ces derniers préfèrent ne plus acheter et ne plus se positionner alors que les taux de crédits et les frais de notaires sont actuellement bas ».

Des mesures inutiles
et coûteuses du côté
de la copropriété

Au-delà d'une nouvelle relation aseptisée avec son locataire, le bailleur se voit, au sein du projet Duflot, astreint d'une myriade de contraintes règlementaires en plus d'un environnement fiscal complexe. Mais il n'est pas le seul. Les copropriétaires sont également dans la ligne de mire de la ministre du Logement. « Ils ont souhaité que les mesures jouent de transparence mais finalement elles n'apportent pas grand-chose au niveau de l'appréhension du copropriétaire. Ce ne sont pas les obligations que l'on va mettre en place qui vont faciliter la gestion et qui vont faire baisser le niveau des charges. Au contraire ! Ce ne sont que des mesures qui demandent du temps, de l'argent, qui génèrent des frais et des dépenses » confie Jean-François Buet.

Un dispositif qui rend la FNAIM très inquiète face aux charges, notamment en des temps où les assurances, les taxes foncières, le coût des travaux et les obligations de réaliser des diagnostics affichent des augmentations constantes. « Pour nous syndics, cette mesure n'est pas un bon signe. Elle va coûter aux copropriétaires, elle va coûter aux bailleurs, c'est sûr avec plus de taxes et des loyers encadrés, et malheureusement elle n'apportera rien de concret aux locataires qui eux veulent plus de choix, plus de facilités à trouver un logement dans les endroits qui sont difficiles » renchérit le président de la FNAIM.

Une crise du logement
se profile, calquée
sur celle de 1948

L'Hexagone a déjà connu une situation semblable à celle-ci par le passé. Des fragments d'histoire qui devraient pourtant offrir une base de réflexion aux dirigeants français. En 1948, une loi était élaborée pour fluidifier le marché. Loi qui portait également, de façon anecdotique et quasi annonciatrice, la dénomination de projet ALUR. Le texte avait, à l'époque, totalement paupérisé le marché du logement.

« C'est un signal négatif, inverse de celui que les différents gouvernements ont donné depuis des années en essayant de faire investir dans le logement, en accordant des réductions d'impôts, des avantages… On voit bien qu'en région parisienne il y a un fort désinvestissement. Le prix du logement est trop cher et les loyers vont être revus à la baisse. Il va donc y avoir une distorsion importante qui va forcément pousser les investisseurs à se retirer du secteur, d'où une crise du logement » théorise Jean-François Buet. Restaurer la confiance Maintenant que la loi a franchi la première lecture à l'Assemblée nationale et au Sénat, est-il encore possible d'infléchir dessus ? « Il faudra bien que les pouvoirs publics entendent que des propriétaires sont nécessaires pour investir et mettre des logements à disposition des locataires. Il faudrait réfléchir, nuancer, pondérer » prévient le président de la FNAIM.

Selon lui, que les locataires et propriétaires obtiennent les mêmes valeurs de droits, tel que disposer de 10 jours pour revenir sur l'état des lieux entrant pour le locataire et 10 jours pour discuter l'état des lieux sortant pour le propriétaire, permettrait de restaurer une confiance qui s'effrite entre tous les acteurs.

Le Conseil national de la transaction et de la gestion, ultime recours ?

Dans le cas où la Loi viendrait à être définitivement promulguée, Jean-François Buet compte sur le Conseil national de la transaction et de la gestion en guise d'ultime recours pour réintégrer les professionnels de l'immobilier au débat gouvernemental. Instauré par le texte ALUR, l'instance, composée à majorité d'organismes professionnels, contribuerait à la rédaction de décrets d'application. Ainsi, ni le ministère du Logement, ni celui de la Justice, ne pourrait légitimement signer de texte d'application sans l'avis du Conseil national de la transaction et de la gestion. Soit, sans l'avis des professionnels de l'immobilier.

 
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Expression #35

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