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ENQUÊTE

UN MARCHÉ FLUCTUANT EN PROVINCE

Contexte peu favorable, frilosité des acheteurs et vendeurs irréalistes face aux réalités du marché. Le secteur immobilier a enregistré un recul des ventes et des prix en province au cours des derniers mois. Quelques villes tirent néanmoins leur épingle du jeu.

En 2012, 709 000 logements anciens se sont vendus dans l'Hexagone, soit 12 % de moins que l'année précédente. Principale victime du phénomène : la province, où seules 580 700 transactions ont été enregistrées contre 659 200 en 2011, selon les Notaires de France. En termes de tarifs, la province a également été plus touchée par le repli que l'Ile-de-France. Ainsi au 4e trimestre, par exemple, le prix médian des appartements dans l'ancien a reculé, sur un an, de 5,2 % à Reims et de 6,3 % à Nancy. Ils s'y sont établis respectivement à 2 040 /m2 et 1 780 €/m2. La baisse atteint même 11,1 % à Mulhouse (1 140 €/m²) et 12,9 % à Tours (2 080 €/m2).

Loin d'être épargnés, les tarifs des maisons ont aussi dégringolé dans la plupart des villes de province, parmi lesquelles Châteauroux. Avec un prix moyen de 111 000 au cours des trois derniers mois de l'année, la préfecture de l'Indre est marquée par une décrue de 12,9 %. Enfin, encore plus affecté, le secteur du neuf affiche des valeurs en régression, entre autres, de 6,6 % en Picardie (3 053 €/m2) et de 6,8 % en Auvergne (2 895 /m²).

Une recherche accrue du meilleur prix

« Le marché est surtout compliqué dans les petites villes et les zones rurales, car il dépend de la situation et de la pertinence économique de la région, ainsi que de l'aménagement de son territoire, pointe Jean-François Buet, le président national de la FNAIM. Par exemple, à Chalon-sur-Saône, à la suite de la fermeture de l'usine Kodak, la commercialisation des biens a été rendue plus difficile. A Beaune, grâce à sa situation à l'intersection d'autoroutes, il est plus simple de vendre qu'au fin fond de la Lozère ou dans une région aux faibles ressources en emplois. » Si l'aggravation du chômage, depuis quasiment deux années consécutives, contraint certains à vendre, elle en pousse d'autres à migrer au plus près des zones d'activités. « A Strasbourg, et dans sa première couronne, les ventes se passent bien grâce notamment à l'attractivité du bassin d'emplois de la ville, se félicite Mathieu Beyer d'AIC Transactions. Mais il est vrai que plus vous vous en éloignez, plus les choses deviennent difficiles. Et ceci, davantage encore, que les acheteurs cherchent aussi désormais à délaisser leurs voitures à cause de l'élévation du prix de l'essence et des bouchons. Ils privilégient donc les zones proches de leur lieu d'exercice et celles bien desservies par les transports en commun; ».
« A Angers aussi, les niveaux de prix et les demandes se tiennent assez bien dans le centre et près de la gare, poursuit Sylvain Migne à la tête d'une agence Era. Mais dès que l'on s'éloigne de ces secteurs, on ressent une certaine tension. La baisse des prix est récurrente. Les délais de vente sont plus longs. » L'attentisme des candidats à l'acquisition est une constante dans toutes les villes de province, qu'elles soient petites ou grandes. « Faute de plein emploi, à Angers comme ailleurs, les envies sont freinées », analyse Sylvain Migne. « Les acquéreurs prennent de plus en plus leur temps. Ils veulent tout visiter et acheter le meilleur prix », commente Maryse Polard de l'agence Guy Hoquet de Dunkerque. Selon une enquête menée par la FNAIM, en début d'année, auprès de 400 professionnels, « dans près d'une opération sur deux, il leur a fallu de quatre à six mois pour finaliser leurs ventes. Dans un cas sur trois, le délai s'est étalé de six mois à un an. Il a même été supérieur à un an dans 9 % des transactions. » Dans 59 % des cas, les clients ont justifié leur attente par des difficultés rencontrées dans leur demande de prêt, dans 56 % par une indécision face à des prix jugés trop chers.

Des vendeurs gourmands, des banques strictes

« Les taux d'emprunt sont historiquement bas mais, problème, les banques ont des critères d'attribution de plus en plus tendus, y compris pour des prêts pas forcément importants, déplore Sylvain Migne. Récemment, de jeunes clients ont dû faire une visite médicale complète afin de pouvoir emprunter 100 000 euros. C'est un frein pour les acquéreurs d'autant plus dommageable qu'il y a vraiment de bonnes offres en ce moment ». Et pour cause, les propriétaires-vendeurs auraient pris conscience de l'inadaptation de leurs aspirations financières. « Ils commencent enfin à comprendre que leurs prétentions ne collaient pas à la réalité du marché », soupire un agent immobilier breton.
« Certains vendeurs ne réalisent pas qu'en demandant de trop, leur bien restera en vente plus longtemps et qu'ainsi ils risquent de le griller aux yeux d'acheteurs potentiels », note le strasbourgeois Mathieu Beyer. « Notre travail est de leur expliquer qu'il y a un juste prix et que dès lors qu'il est appliqué la vente se fait », précise Gilles Pommateau de l'agence Orpi Moulin à Vent de Lyon. « On a déjà été obligé de faire accepter un rabais de 75 000 euros à un propriétaire pour arriver à revendre sa maison. Il n'arrivait pas à intégrer le fait que la période faste est derrière nous et qu'il avait dépensé un peu trop lors de l'acquisition de son bien il y a une dizaine d'années », raconte un professionnel marseillais.

Selon les Notaires de France, le prix médian des maisons anciennes dans la Cité Phocéenne a avoisiné les 304 800 € en 2012, soit 1,5 % de moins qu'en 2011. Négociés en moyenne 2 450 euros du mètre carré, les appartements ont vu, eux, leurs prix se déprécier de 2,9 %.

Toujours des investissements

A l'inverse, les tarifs des appartements anciens ont grimpé de 2 à 5 % à Lille, Lyon, Rennes et Bordeaux. « La demande en ancien dans le Lyon intra-muros, comme dans le populaire 8e arrondissement, reste forte car le nombre de biens est restreint et que les loyers ont atteint de tels niveaux que beaucoup estiment désormais qu'il est plus judicieux d'acheter son chez-soi », témoigne Gilles Pommateau.
« A Bordeaux, comme ailleurs, nous avons observé un attentisme des acheteurs et un espoir des vendeurs de faire une plus-value, mais les choses semblent se décanter, explique Christophe Nouhet d'Era Immobilier. En 2008, avec la crise des subprimes, le marché s'était bloqué d'un coup. Là, nous avons encore beaucoup d'investisseurs qui se disent que la pierre reste une valeur sûre quand la bourse, elle, est toujours au plus bas. » Autre avantage pour Bordeaux, elle est la ville préférée des Français après Paris, selon un sondage publié en avril par l'institut BVA.

Si l'image d'une agglomération impacte l'industrie touristique, elle influe également sur l'immobilier, comme le prouve Nice. En 2012 encore, comme lors des années précédentes, la capitale de la Côte d'Azur trône au premier rang des communes de plus de 150 000 habitants aux tarifs les plus élevés en termes d'appartements anciens (3 710 €/m², +0,8 %) et de maisons anciennes (475 000 €, -3,4 %).

La raison : la présence sans faille d'une clientèle étrangère prête à flamber pour un pied-à-terre le long de la Baie des Anges ou dans l'arrière-pays.

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