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TENDANCE

L'IMMOBILIER DE LUXE, UN SECTEUR DÉLAISSÉ ?

Raréfaction des acquéreurs potentiels, chute des ventes et diminution des prix... en France la tendance de l'immobilier de luxe est à la baisse. L'année 2013 commence mal pour le micromarché du luxe en France. A Paris et en région parisienne, le réseau d'agences Barnes évalue la baisse des transactions à 42 % en 2012, pour les biens d'une valeur supérieure à 2 M€. « Le marché est très actif jusqu'à 2 M€, mais, au-delà, il y a très peu d'acquéreurs », a souligné son président Thibault de Saint-Vincent. Et en début d'année, le groupe a dans son catalogue « trois fois plus de biens de plus de 2 M€ qu'en janvier dernier », ajoute-t-il.

Jusqu'ici, le secteur avait été épargné. Il présentait même de bonnes performances en 2012. Mais chez les professionnels, cette chute des transactions sur les biens de prestige était attendue dès 2009-2010. Déjà dans le secteur, certaines propriétés avaient marqué le pas : les domaines, châteaux excentrés loin des villes, se négocient difficilement depuis le début de la crise, « obligeant les vendeurs à revoir leurs prétentions quand ils sont pressés par le temps », précisait Barnes en 2011. Le phénomène a fini par s'étendre aux appartements chics de la région parisienne.

Les raisons

En cause d'abord, la raréfaction des acheteurs. Il faut dire que les prix de l'immobilier dans la capitale française ont atteint des sommets défiant toute concurrence, dépassant ceux de Manhattan à New-York, de Miami en Floride, de Genève en Suisse... Au niveau mondial, seule Londres demeure plus chère. Par le niveau des prix, le marché est arrivé quelque peu à saturation, principalement du côté des biens haut de gamme, dont les prix s'échelonnent entre 2 M€ et plus de 20 M€. L'activité chute et n'existe plus actuellement que par la demande d'étrangers en quête d'investissements à long terme. Quant au marché des propriétés entre 0,5 M€ et 2 M€, si l'activité reste soutenue, le volume des ventes a baissé. Or, parallèlement, l'offre augmente. Et les propriétaires cherchent à vendre rapidement. Depuis 2012, de nombreux biens ont été mis en vente pour des raisons purement conjoncturelles. Certains l'ont fait avant le changement de gouvernement; d'autres espèrent, en vendant au plus vite, réaliser une plus-value avant la chute des prix; d'autres encore vendent parce qu'ils quittent la France. C'est dans ce contexte que l'agence Féau a ainsi hérité de la vente de l'hôtel particulier de Gérard Depardieu. En cause ici, l'instabilité du cadre fiscal français et son durcissement : « ce n'est pas un mythe, on estime à 5 000 les départs fiscaux cette année, a indiqué Me Jacques-Henry de Bourmont, du cabinet d'avocats Lefèvre Pelletier. Les propriétaires craignent que, du fait de l'instabilité fiscale, l'exonération de taxe sur la plus-value de cession de la résidence principale ne dure pas, au-delà d'un certain montant.»

Pour les acquéreurs, des opportunités à saisir

Comme le marché de l'immobilier en général, le micromarché de l'immobilier de luxe est donc plutôt favorable aux acquéreurs. « Quand ils décident de formuler une offre d'achat, non seulement ils mettent plus de temps, mais ils la font basse, de manière à engager une négociation », explique Inès Fonteneau, responsable de l'agence Daniel Féau à Saint-Germain. La progression des prix est stoppée. « Ils se situaient en moyenne autour de 20 000 € le m2 en décembre. Voilà pourquoi je ne suis pas inquiète », a-t-elle ajouté. Et Thibault de Saint Vincent de préciser : « Depuis janvier, les propriétaires des biens au-dessus de 2 M€ sur la rive droite et au-dessus de 3 M€ sur la rive gauche anticipent une baisse des prix et acceptent des offres inférieures de 10 à 15 % par rapport aux prix de vente de janvier 2012 ». A condition que les taux d'intérêt restent bas, la baisse devrait même atteindre 20 % fin 2013.

Des biens sans défaut

A l'instar des niveaux de ventes, l'ajustement des prix se fait selon la qualité des biens. Alexander Kraft, commentateur du marché immobilier de prestige pour les medias internationaux, précise qu'« une tendance très claire s'observe : les acheteurs ne sont plus prêts à payer des prix élevés pour des biens de prestige qui n'affichent pas d'atouts particuliers; les acquéreurs n'acceptent plus des prix au mètre carré de plus 12 000 € pour des appartements familiaux parisiens qui ne sont pas localisés dans les quartiers les plus recherchés, ou qui ne sont pas rénovés. La même tendance peut aussi être observée dans le marché du très haut de gamme: des prix au mètre carré supérieurs à 20 000 € sont uniquement acceptés s'il s'agit des propriétés uniques, comme des hôtels particuliers importants dans les endroits les plus demandés, en parfait état et décorés par des architectes.» La raréfaction des acheteurs concerne en effet et en particulier certains types de biens: ceux qui présentent un défaut de conception, qui se trouvent dans une rue bruyante ou à l'entresol, etc. Le très haut de gamme se vend toujours. A la tête d'Immo Best International, Xavier Attal précise : « Certes, pour les biens allant de 3 à 5 M€, certains Français ont appuyé sur le frein. Mais l'exceptionnalité trouve toujours preneur. »

Pour ces biens exceptionnels, qui sont alors les acquéreurs ? De moins en moins d'Européens, et surtout des Américains du Sud et du Nord, des Russes, les élites des pays émergents. Mais eux aussi commencent à se méfier quand il s'agit d'un investissement à long terme, du fait de la nouvelle législation en matière de propriété immobilière. Pour les non-résidents, la taxe sur la plus-value de cession est passée à 32,5 % et le taux de taxation des revenus fonciers a été fixé à 35,5 %. Or « cela ne présente plus d'intérêt de détenir de l'immobilieren France maintenant que le taux est de 35,5 % », regrette Jacques-Henry de Bourmont. Au final, « le marché devrait donc rester hésitant au cours du premier trimestre 2013 avec un faible niveau de transactions », estime-t-on chez Barnes. Cependant, grâce à la demande d'acquéreurs de long terme, notamment des investisseurs internationaux « qui restent très présents », Barnes anticipe une certaine reprise des transactions au deuxième trimestre, « avec une lente correction des prix ». Car malgré tout, dans un contexte économique de plus en plus incertain, pour les grandes fortunes, le marché immobilier haut de gamme parisien conserve un statut de « valeur refuge ».

BUSINESS WOMEN ET IMMOBILIER DE LUXE

Selon une récente étude de Coldwell Banker, les femmes indépendantes et fortunées prennent une place grandissante sur le marché du luxe. Aux Etats-Unis, où l'on compte presque 50 % de femmes parmi les millionnaires, leur impact est très fort. Disposant de hauts revenus, célibataires, sans enfant, avec une moyenne d'âge entre 55 et 65 ans, elles préfèrent aux propriétés trop grandes, demandant trop d'entretien, un pied-à-terre facilement habitable et souvent, une résidence secondaire en France. De même les femmes d'affaires chinoises, après avoir réussi en Chine, investissent dans 'immobilier à l'étranger et souvent aux Etats-Unis. Attirées par le modèle américain, elles sont de plus en plus nombreuses à acheter une grande maison et une résidence secondaire, quitte parfois, pour obtenir une demeure de prestige, à offrir « un prix majoré e 20 % », remarque Vanda Doncelle, vice-présidente de Coldwell Banker. Enfin, les quelques femmes milliardaires que compte la France investissent également dans le secteur, qui représente pour elles une valeur sûre. Mais « les Françaises sont moins présentes que les femmes russes, anglaises ou américaines quand il s'agit d'acquérir dans un autre pays. Elles ont une plus forte aversion au risque que ces dernières qui ont davantage intégré la mondialisation de l'immobilier »,regrette Vanda Doncelle.

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