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ALERTE

Le loyer du bail renouvelé : Les précautions à prendre au stade précontentieux

Un rapport d'expertise amiable est-il suffisantpour solliciter la fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé ?

Dans un arrêt du 3 février 2010 (09-10.631), la troisième chambre civile de la Cour de cassation a estimé que la Cour d'appel de Paris, en se fondant exclusivement sur une expertise non contradictoire établie à la demande d'une seule des parties, que le loyer du bail renouvelé doit être fixé selon les règles du déplafonnement, soit à la valeur locative, a méconnu le principe de l'égalité des armes et en conséquence violé l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Un rapport d'expertise amiable est donc insuffisant lorsqu'il n'est pas contradictoire

L'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme dispose que "Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. [...]."

C'est sur le fondement de cet article dont les juridictions françaises sont tenues d'assurer l'efficacité, que la Cour de cassation a estimé que la production d'un rapport d'expertise amiable non contradictoire, c'est-à-dire établi unilatéralement par l'expert de l'une des parties, était contraire au principe d'égalité des armes. Le principe d'égalité des armes, dont la lettre semble viser exclusivement les procédures judiciaires, doit donc s'appliquer, selon la Cour de cassation, en amont, dès le stade précontentieux du dossier.

La Cour d'appel avait pourtant retenu que le rapport versé aux débats avait été soumis aux observations contradictoires des parties mais semble-t-il pas les constatations elles-mêmes. En conséquence, il convient de considérer que non seulement il doit pouvoir bien évidemment être débattu d'un éventuel rapport amiable dans le cadre du procès, mais aussi, que celui-ci ait pu être discuté lors de son élaboration même par le cocontractant du bail : les constatations de l'expert amiable doivent donc être ellesmêmes contradictoires.

Cependant, la portée de l'arrêt doit être relativisée

Précisons néanmoins que la Cour de cassation a censuré l'arrêt qui lui était soumis, au motif que la Cour s'était fondée "exclusivement" sur le rapport non contradictoire communiqué dans la procédure, par le bailleur.
Dans ces conditions, celui-ci semble donc pouvoir revêtir une certaine valeur probante à la condition que d'autres éléments confirment l'appréciation des juges du fond.

Les conséquences pratiques

La démarche d'un propriétaire qui souhaite faire fixer le loyer de son bien à sa valeur locative réelle, lorsque celui-ci s'inscrit dans un environnement commercial dont les caractéristiques ont évolué favorablement avec le temps, paraît bien légitime. C'est dans le contexte précontentieux que celui-ci cherche à justifier le dossier qu'il portera devant les juridictions compétentes, en faisant constater par un expert choisi par lui, l'évolution des "facteurs locaux de commercialité".

Aussi, la position adoptée par la Cour de cassation dans l'arrêt rendu le 3 février 2010 apparaît critiquable au premier abord dans le contexte précontentieux classique où l'une des parties ne semble ne pas être disposée à négocier et où l'effet de surprise attaché à la communication a posteriori d'un tel document au stade procédural est parfois recherché sur un plan stratégique dès lors que la réplique éventuelle à un tel rapport n'aura pas nécessairement le même impact. Néanmoins, la position adoptée par la Cour de cassation semble protéger les parties à un bail commercial contre des rapports d'expertise non contradictoires qui sont parfois communiqués pour tenter de faire évaluer à la baisse ou à la hausse le loyer du bien loué.

Les parties prenant l'initiative de désigner leur propre expert prendront donc soin maintenant de convoquer par lettre recommandée avec avis de réception (ou par sommation d'huissier) l'autre partie au bail aux réunions d'expertise amiable qui serviront à déterminer la valeur locative du bien pris à bail.

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